Le petit terroriste by Omar Youssef Souleimane

Le petit terroriste by Omar Youssef Souleimane

Auteur:Omar Youssef Souleimane
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Flammarion
Publié: 2017-01-15T00:00:00+00:00


Le cours de dessin

Quand nous dessinions un homme ou un animal, il fallait systématiquement effacer une main, un pied ou la tête, car, dans l’islam, il est interdit de représenter les organismes animés dans leur entièreté. Le professeur de dessin était égyptien et répétait à chaque séance un hadith du Messager : « Tous les dessinateurs d’images iront au feu. On leur insufflera autant d’âmes que le nombre d’images qu’ils auront dessiné et Allah les soumettra au supplice de l’enfer. » Il continuait de sa voix que l’on entendait à peine : « C’est pour cela qu’on leur ôte un membre afin de ne pas défier Allah dans son pouvoir de création. Mais le dessin d’arbres, de fleurs ou de bâtiments est autorisé. »

Nous nous sommes regroupés autour d’une table au centre de la salle. Les murs étaient couverts de tableaux paysagers. Ahmed, pensif, passait plusieurs fois son crayon sur une feuille blanche, la déchirait et recommençait sur une autre. Il fallait représenter une mosquée.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Je suis triste pour le professeur de monothéisme. J’ai demandé de ses nouvelles à son frère qui habite dans notre quartier. Il m’a dit que la police l’avait arrêté chez lui et que, depuis, personne ne savait où il était.

— Il n’est pas parti pour l’Afghanistan ?

— Non, ils l’ont incarcéré un jour avant son départ.

Des patients de mon père racontaient beaucoup d’histoires sur des vagues d’arrestations à Riyad, notamment des cheiks saoudiens qui avaient refusé la fatwa prohibant le djihad.

J’étais peiné pour Ahmed. J’ai pris son carnet et y ai dessiné le contour d’un visage et lui ai demandé d’imaginer que c’était celui du roi. J’ai ensuite détaché la feuille et il l’a déchirée en mille morceaux. Il a tourné vers moi son visage pâle et dévoré par l’acné. Il s’est assuré que personne ne nous prêtait attention, et il a approché sa bouche de mon oreille.

— Je vais te dire un secret, mais tu dois me promettre de ne pas le divulguer à quiconque.

— Je t’écoute.

— Je vais partir en Afghanistan.

— Tu es fou ! Pourquoi y aller ?

— Je veux me battre.

— Tu n’as que quinze ans et pas de passeport !

— Mon cousin souhaite partir, il a vingt-cinq ans. Je peux l’accompagner avec de faux papiers.

Soudain j’ai eu froid et mal au ventre. J’étais plié en deux sur la table.

Le mal ne s’est pas calmé de toute la journée. Le soir, je me suis allongé sur mon lit en songeant qu’Allah me punissait pour mes péchés, car je m’étais masturbé trois fois la semaine précédente ; ou peut-être me sanctionnait-il pour ne pas avoir donné mes cinq riyals pour la Palestine. Salim, qui désormais tenait debout et faisait quelques pas, a touché mon ventre avant de tomber en disant : « Waou ! »

Ma mère m’a donné des médicaments contre la douleur qui n’ont pas fait effet. Le monde s’était endormi et j’avais peur de mourir. Comment pouvais-je rencontrer Allah chargé de tous ces péchés ? Le matin, mon père s’est réveillé et m’a emmené à l’hôpital.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.